Ses doigts balayaient les rayons exposés à l'obscurité ambiante de la bibliothèque. D'un songe monocorde, elle posa ses ongles vernis gracieusement sur son menton pâle. Ses yeux ne trouvant ouvrage intéressant, passaient d'une étagère à l'autre. Une personne avec une aversion moyenne à la lecture n'aurait pu lire un tiers des livres qui se trouvaient dans cette rangée. Mais Sarah souhaitait compenser son manque de témérité par quelque chose. Une forme de culture, de curiosité intellectuelle.
Elle aurait pu enlever ses chaussures tant elle avait peur de faire grincer le plancher sous ses pieds. En marchant presque sur la pointe, elle trouva enfin sujet à son goût et se mit à faire une sélection sur le règne d'Henri IV, un important mais étonnant roi Français de son avis. D'ailleurs, cet homme qui au début n'était " que " roi de Navarre, n'était certainement pas destiné à régner.
Se posant à une table solitaire, la demoiselle se mit à relever frénétiquement des informations sur quelques pages qu'elle avait en prévision, emmené avec elle.
On ne pouvait pas dire que pour le moment, soit vingt-cinq minutes après le début de ses recherches, elle avait appris quoi que ce soit de nouveau. Elle avait été parfaitement au courant déjà, des origines religieuses du souverain, à savoir qu'il était à la base protestant. Elle connaissait la mère du futur souverain qui s'était fait prédire que prochainement, son fils de "basse noblesse" par rapport au roi de France en deviendrait un lui-même.
Alors qu'elle recherchait ardemment encore des informations, elle entendit des pas arriver vers sa table. Sarah releva doucement les yeux et fit face à Shen Quinn. Si elle ne se trompait pas, l'adolescente était à l'école d'Améthyste. Ce n'était pas étonnant. La majeure, pour ne pas dire totalité des étudiants présents à la bibliothèque en ce dimanche après-midi était de cette catégorie. Sarah ne s'étonnait guère d'être la seule Rubis. De plus, elle avait pris avec sa camarade, cette habitude de commencer à débattre - souvent d'un ouvrage - qu'elles avaient mutuellement lu ou même d'un sujet quelconque.
Au prix de bien des efforts, Sarah engagea la conversation :
- Hum... Bonjour Shen... Voudrais-tu... Enfin... Accepterais-tu de t'asseoir ?
Les larmes lui montaient presque aux yeux tant sa gêne était conséquente. Elle devait paraître ridicule avec ses mains crispées, sa voix murmurée et ses épaules légèrement voûtées.
Tentant pour le moins de rattraper l'affaire, la Maeior se concentra sur le sujet du bouquin en face d'elle et fit partager son sujet à sa camarade :
- Il s'agit du monarque Henri IV. Je pense vu...vu... Peu importe. Savais-tu que c'est son peuple qui l'a forcé d'une certaine façon au catholicisme ? Il était à la base protestant et n'avait aucune envie de changer de confession. Il l'a fait pour son peuple et son intégration. Je...trouve que c'est altruiste de sa part. De plus... Il n'a pas abandonné totalement le protestantisme. L'édit de Nantes qu'il a crée, le confirme. Je pense... Je pense que... C'était... Un bon roi. Qu'en penses-tu ?
Shen leva ses iris sombre vers la pendule qui ornait sans doute depuis plusieurs décennies la salle du conseil des Elèves, et un léger cri de surprise eu le temps de s’échapper de ses lèvres, résonnant plusieurs secondes dans la salle déserte, avant que la jeune femme ne les referment prestement. D’un geste souple, elle regarda sa montre –bel et étrange objet d’argent massif, cependant très léger ; il s’agissait d’une montre à gousset finement ouvragée, cadeau de ses deux pères pour son entrée à Atlantis, elle était protégée par un sortilège qui permettait à la jeune femme de l’emmener partout avec elle, même dans l’océan, bien qu’elle ne le fasse guère- comme si elle espérait que la pendule à côté d’elle se soit trompée. Il n’en était cependant rien. La chinoise se leva en jurant, maudissant l’interminable travail qui encombrait toujours la salle du conseil, l’heure déjà si tardive et son propre laissé aller, tout en rassemblant prestement ses affaire qu’elle rangea dans son sac à dos, s’accordant tout juste une poignée de seconde pour ordonner rapidement son bureau avant de sortir d’un pas vif.
La troisième année était entrée dans cette pièce vers dix heure le matin même, en utilisant son statut de membre du conseil afin de trouver une pièce au calme pour étudier un peu. En effet, en revenant de sa baignade matinale dans l’océan, la jeune femme s’était dirigée vers la bibliothèque dans l’espoir d’y trouver quelques ouvrages à son gout dans lesquels se plonger jusqu’à l’après midi, mais cette dernière s’était retrouvée prise d’assaut par les étudiants en cours de rattrapages, poussés par une rumeurs susurrant que le professeur responsable avait prévu pour le lendemain une interrogation décisive pour décider d’année à venir. Ce dernier n’avait démentit ces propos que quelques heures plus tard, trop amusé de voir ainsi tous ces étudiants habituellement récalcitrants à entrer en classe, fuir le soleil pour l’ombre studieuse de la bibliothèque. Ainsi, la chinoise s’était contentée d’attraper au vol quelques ouvrages avant d’aller se réfugier dans le bâtiment des Améthystes, afin de pouvoir les étudier en paix, avant de dévier lentement vers la pille de document à traiter qui semblait toujours trôner sur l’une des tables de la salle du conseil.
Tout en dévalant les escaliers, la jeune femme regarda une nouvelle fois sa montre en se mordant la lèvre. Arrivée en bas, elle se força à reprendre une allure normale. Après tout, elle n’était pas véritablement en retard, ce n’est pas comme si elle avait un rendez vous, ou quelque chose comme ça, c’était juste… une habitude. Shen n’aurait su dire depuis combien de temps cela avait commencé, mais toujours est il que peu à peu, une forme de tradition s’était mise en place entre la jeune chinoise et une étudiante de rubis du nom de Sarah Descartes. Aussi instruite et cultivée, que son paronyme pouvait le suggérer, la timide première année était ainsi une personne avec il était captivant de discuter bien qu’elle ses airs craintifs. Si captivante, qu’une table de la bibliothèque était finalement devenue leur point de réunion tacite le dimanche après midi.
Un soupire silencieux passa cependant la barrière de ses lèvres lorsqu’elle pénétra dans l’ambiance feutrée de la vaste bibliothèque du campus, adoptant une démarche plus silencieuse, la jeune femme s’approcha lentement de leur table habituelle, l’ombre d’un sourire ornant son visage quand elle aperçut la silhouette de sa cadette.
« Avec plaisir. » Répondit la chinoise avec plus de froideur qu’elle ne l’aurait voulut.
Elle se mordit la lèvre tout en s’asseyant, maudissant son profond manque de tact, qui semblait de plus être d’autant plus absent lorsqu’elle s’adressait à la jeune rubis, se promettant de faire attention. Ou du moins d’essayer.
Shen hocha la tête machinalement tandis que les engrenages de son cerveau se mettaient en route au son de la voix de la maeior. Malgré sur cursus scolaire assez surprenant, la jeune femme connaissait assez bien le fameux roi Henri IV, ou tout du moins, suffisamment pour essayer d’en débattre. En effet, si elle n’en avait pas entendu parler lorsqu’elle vivait en Corée, son nom était plusieurs fois revenu dans ses classes de Londres, et surtout, elle s’était rendue plusieurs fois en France grâce aux origines française d’Ethan.
« Je pense qu’il l’a principalement fait pour des raisons politiques, il avait besoin d’alliés pour monter à Paris… Il avait déjà changé cinq fois de religion avant d’être couronné roi de France ! » Commença-t-elle, sans pouvoir dissimuler la pointe de sarcasme qui perçait dans sa voix. Shen se mordit à nouveau la lèvre, et baissa les yeux, gênée par son incompétence. Pourquoi diable était elle si peu à l’aise avec tout ce qui avait attrait au sociable, comme le fait de simplement parler d’une voix douce alors que la personne qui vous faisait face était d’une timidité telle que les larmes lui montaient aux yeux quand elle prenait l’initiative d’une conversation ? Les iris bleuté brillants de la jeune rubis n’avaient pas échappé à son regard sombre. Elle était juste stupide. Shen se força à reprendre plus calmement, son doigt effleurant sans y penser le contour du portrait du fameux roi sur le livre ouvert en face d’elle. « Mais l’Edit de Nantes était vraiment une idée brillante. Je veux dire, au delà du soutiens qu’il accordait ainsi aux protestants, ça à permis de donner au pays une certaine paix, en tout cas religieuse pendant presque un siècle. Surtout après la Saint Barthélémy. »
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